Une étude aux urgences de l’hôpital Armand Trousseau
Les médecins Cyril Bouteiller et Marie-Hélène Odièvre-Montanié, du Centre de la drépanocytose de l’hôpital Armand Trousseau (APHP, Sorbonne Université, Paris), ont présenté la prise en charge antalgique réalisée aux urgences au cours de 209 crises chez 96 enfants.
Les 28es Journées Pédiadol, la douleur de l’enfant (7 décembre 2021)

La drépanocytose est la première maladie génétique dans le monde et est responsable encore aujourd’hui d’une morbi-mortalité importante. Parmi ses complications, les Crises Vaso-Occlusives sont les plus fréquentes et détériorent la qualité de vie des patients. Leur prise en charge constitue une urgence et les recommandations françaises de la Haute Autorité de Santé préconisent l’administration d’antalgique dans un délai de 30 minutes.

*Méthodes : Nous avons réalisé une étude rétrospective monocentrique sur l’année 2019 à l’hôpital Trousseau (Paris, France) visant à décrire la prise en charge des crises douloureuses aux urgences pédiatriques. Toutes les consultations pour crise douloureuse des patients âgés de 0 à 18 ans ont été incluses. Le critère de jugement principal était le délai d’administration du premier antalgique.
*Résultats : 209 crises douloureuses concernant 96 patients ont été incluses dans les analyses. Le délai médian d’administration du premier antalgique était de 28 min et était significativement plus court chez les patients se présentant avec une douleur modérée à sévère que chez les patients avec une douleur légère (respectivement 26 min, 15 min et 75 min, p < 0.01). 50.5 % des patients ont reçu le premier antalgique dans un délai de 30 min comme le préconisent les recommandations françaises.
*Conclusion : Le délai d’administration des antalgiques lors des crises douloureuses drépanocytaires est encore trop long. Certains axes d’amélioration pourraient permettre de soulager plus rapidement les patients : administration de morphiniques par voie orale dès l’évaluation infirmière initiale grâce à un protocole dédié, indication explicite d’un timing idéal de prise en charge antalgique, meilleure prise en compte des éléments anxieux.

Introduction
La drépanocytose est la maladie génétique la plus répandue en France et dans le monde. Grâce à la généralisation du dépistage néonatal et aux progrès réalisés dans sa prise en charge, les dernières années ont vu une nette amélioration de l’espérance de vie des patients (1). Cependant, elle reste source de morbi-mortalité importante et les complications aiguës et chroniques rythment l’évolution de la maladie. Parmi ces complications, la douleur est au 1er plan. Elle peut être aiguë ou chronique et intègre des composantes organiques et psycho-sociales la rendant particulièrement complexe à comprendre et à traiter (2-3). Les crises douloureuses vaso-occlusives (CVO) représentent la principale complication aiguë. Elles sont d’intensité variable, souvent intenses, et surviennent dès la petite enfance. Leur prise en charge constitue une urgence et nécessite souvent une hospitalisation.

De nombreux protocoles et recommandations, nationaux et locaux, sont régulièrement édités et traduisent la complexité de la prise en charge de ces patients. Ceci est également suggéré par la faible adhésion des soignants à ces protocoles. Au sein de cette diversité, un consensus émerge : la nécessité d’un traitement précoce et d’un recours rapide aux antalgiques de palier 3 pour traiter la douleur d’une CVO (4-7). A l’hôpital Armand Trousseau (Paris 12ème), plus de 300 enfants sont suivis pour une drépanocytose. Leur prise en charge est multidisciplinaire par les équipes du centre de la drépanocytose, du centre de la douleur et du service des urgences pédiatriques.
Le protocole dédié à la prise en charge antalgique des CVO a été établi de façon collégiale par ces trois services et inclut le recours aux morphiniques par voie orale ou par voie intraveineuse selon l’intensité de la douleur. A ce jour, l’évaluation de ce protocole n’a pas été réalisée.

L’étude réalisée propose de décrire rétrospectivement la prise en charge antalgique de patients atteints de drépanocytose ayant consulté aux urgences pédiatriques de l’hôpital Trousseau pour une crise douloureuse ainsi que d’analyser le devenir de ces patients selon l’intensité de leur douleur et les modalités de prise en charge initiale. L’objectif final est de déterminer un ou plusieurs axes d’amélioration dans la prise en
charge de ces patients complexes dans le but de minimiser le vécu douloureux et de diminuer le risque de chronicisation des douleurs et d’émergence de complications psychologiques invalidantes.

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